La Marge de Fluctuation du Capital selon le nouveau droit de la SA

10.01.2022

Corporate And M&A 3

I. INTRODUCTION

La modification du Code des Obligations (CO) du 19 juin 2020 introduit un nouvel outil à disposition des sociétés anonymes : la marge de fluctuation de capital (la « marge de capital ») avec notamment les futurs articles (PCO) 653s – 653v PCO qui entreront probablement en vigueur en 2022.

Dans ce cadre et par le bais d’une clause statutaire, l'assemblée générale des actionnaires (AG) pourra déléguer au conseil d'administration (CA) la capacité d'augmenter et/ou de réduire le capital-actions dans une certaine fourchette (la marge de capital), laquelle fixera un montant maximal et un montant minimal absolu du capital-actions et des bons de participation émis au moment de son adoption.

Les dispositions relatives à la marge de capital combineront ainsi l'actuelle augmentation autorisée du capital-actions (art. 651-651a CO) – qui sera supprimée avec l’entrée en vigueur du PCO – avec une réduction autorisée du capital-actions (art. 653s PCO). Elle octroiera de surcroit au CA de la flexibilité dans les limites statutaires édictées par l’AG.

Il s’agit par conséquent d’un outil flexible et modulable qui nécessitera l’adoption d’une clause statutaire minutieusement rédigée afin d’appréhender les enjeux de la marge de capital et d’en permettre une utilisation effective dans la pratique.

II. INTÉRÊTS

La marge de capital revêtira un intérêt particulier pour les entreprises qui ont un actionnariat dispersé ou pour les entreprises qui souhaitent avoir un accès rapide à de nouveaux capitaux afin de réaliser des investissements ou celles qui souhaitent diminuer leurs fonds propres.

Dans le premier cas, lorsqu’il s’agira pour une société de réunir les ressources nécessaires à un projet, la flexibilité qu’offrira la marge de capital (financement par fonds propres) créera une situation favorable à une combinaison avec du financement par emprunt, ce qui facilitera et accélèrera le processus. La latitude dont disposera le CA par le biais de la marge de capital lui permettra dès lors d’ajuster les capitaux propres de la société à ses besoins réels et cela en temps opportun.

Dans le second cas, soit lorsqu’une entreprise a des liquidités disponibles élevées ou cèdent des actifs, elle dispose de plus de fonds propres que ce qui est nécessaire pour ses activités commerciales. La marge de capital permettra d’adapter plus rapidement les fonds propres aux besoins de l'entreprise et ainsi d'économiser le coût du capital, étant rappelé que les fonds propres sont la forme de financement la plus coûteuse (en raison du profil de risque). Une telle réduction du capital-actions (effectuée dans la marge de capital) évitera que la situation des investisseurs soit péjorée par une réduction du rendement de leurs fonds propres.

III. CONSIDÉRATIONS ET DIVERGENCES

Actionnaires

De manière générale, les membres du CA ont souvent tendance à privilégier des fonds propres élevés et des réserves suffisantes, tandis que les actionnaires encouragent des réductions du capital-actions.

En effet, lorsqu’une société dispose de fonds propres élevés, ses risques commerciaux sont réduits, de même que l’exposition des membres du CA. A l’inverse, lorsque la société est gérée avec un minimum de fonds propres, les actionnaires réduisent leur exposition et obtiennent des rendements plus élevés.

A l’avenir, la flexibilité apportée par la marge de capital pourra exacerber les divergences entre les membres du CA et les actionnaires puisque le CA disposera d’une autonomie supplémentaire, sera moins sujet à un contrôle rigoureux des actionnaires et pourrait modifier l’équilibre des pouvoirs qui existe avec les actionnaires.

Concernant le dernier point, cela pourrait être en particulier le cas lorsque le CA sera autorisé à retirer les droits de souscription des actionnaires dans le cadre d’une augmentation du capital-actions. Le CA pourrait ainsi – par des modifications ciblées du capital-actions et surtout par l'attribution de nouvelles actions à des actionnaires qui sont "en sa faveur" – exploiter la marge de capital pour influencer les droits de vote.

La marge de capital comporte des éléments de divergences et on peut supposer que les actionnaires qui ne contrôlent pas le CA soient peu enclins à approuver une disposition statutaire donnant au CA des possibilités étendues d'augmenter le capital-actions avec une exclusion du droit de souscription, l’octroi d’actions préférentielles ou encore d’actions avec un droit de vote accru. Alternativement, les actionnaires méfiants rendront les dispositions statutaires de la marge de capital suffisamment restrictives. C’est ici que se cristalliseront les considérations des acteurs et cela souligne l’importance de la clause statutaire. Nous y reviendrons.

 

Créanciers

Le capital-actions revêt une importance dans le contexte de la protection des créanciers. Avec les réserves légales, le capital-actions représente la limite en dessous de laquelle une société ne peut réduire ses fonds par des distributions. Un transfert d'actifs aux actionnaires – qui conduit comptablement à ce que les fonds propres deviennent inférieurs au montant du capital-actions – n'est aujourd’hui possible que dans le cadre de la réduction de capital des art. 732ss CO (avec notamment un expert-réviseur agréé qui confirme dans un rapport que les créances sont entièrement couvertes par le capital-actions réduit).

Bien que les futures dispositions relatives à la protection des créanciers (l’art. 653u al. 3 PCO renvoie aux dispositions de protection des créanciers en cas de réduction du capital des art. 653j – 653m PCO) soient conservées et ne subissent que peu de modifications, une réduction du capital (dans la marge de capital) demeure une mauvaise nouvelle pour les créanciers car la réduction des fonds propres entraîne également une réduction correspondante des réserves légales qui peuvent alors également être distribuées.

Non seulement les créanciers ne pourront plus supposer que le capital-actions enregistré représente la limite du remboursement volontaire des fonds propres, mais aussi ils ne devront plus se fier aux augmentations réalisées dans le cadre d'une marge de capital puisque celles-ci n'auront – sauf indication contraire des statuts – qu'un caractère provisoire. La véritable limite deviendra le montant réduit du capital-actions restant après l'utilisation complète de la marge de capital.

Au vu de ce qui précède, il n’est pas exclu que les fournisseurs et prestataires de services s'inspireront des fonds propres, en tenant compte du montant maximal de réduction possible, et exigeront une couverture appropriée s'ils considèrent que le montant minimum possible du capital-actions est trop faible pour couvrir adéquatement leurs créances. Il serait aussi possible que les prêteurs s’opposent aux réductions du capital-actions dans les contrats de prêt ou se réservent le droit de résilier leurs prêts en cas de réduction.

 

IV. SOCIÉTÉS CONCERNÉES

En lien avec l’opting-out, les dispositions de la marge de capital n’imposeront pas de limitation lorsqu’il s’agira d’augmenter le capital-actions. En revanche, les statuts ne pourront pas autoriser le CA à le réduire si la société a renoncé au contrôle restreint des comptes annuels (art. 653s al. 4 PCO). Ainsi, une réduction du capital-actions ne sera possible que lorsque la société est soumise à un contrôle ordinaire (art. 727 et 728ss CO) ou restreint (art. 727a et art. 729ss CO). Les sociétés qui ont renoncé à un contrôle par opting-out au sens de l'art. 727a al. 2 CO ne pourront pas réduire leur capital-actions dans le cadre de la marge de capital mais devront procéder à une réduction ordinaire du capital-actions (art. 732ss CO).

V. LIMITES DE LA MARGE DE CAPITAL

La première limitation de la marge de capital sera temporelle. L’autorisation donnée au CA sera valable pendant une période maximale de 5 ans à compter de la décision de l'AG (art. 653s al. 1 PCO).

Ensuite, la marge de capital évoluera dans le cadre d’une limite « nominale ». Elle pourra atteindre jusqu’à une fois et demie (1.5x) le capital-actions inscrit au registre du commerce lorsque la décision de l’AG sera prise et pourra être abaissée de moitié (0.5x) (653s al. 2 PCO). Afin d’établir la limite supérieure et celle inférieure, le capital participation devra être ajouté au capital-actions (art. 656b al. 3 ch. 5 PCO). En revanche, une augmentation du capital-actions basée sur du capital conditionnel ne sera pris en compte qu’à compter du moment de son inscription au registre du commerce.

Enfin, les statuts pourront imposer des limites aux attributions du CA (art. 653s al. 3 PCO et 653t al.1 ch. 3 PCO). La clause statutaire de la marge de capital pourra ainsi (i) prévoir uniquement une augmentation du capital et/ou (ii) imposer des restrictions, des charges et/ou des conditions à l’autorisation donnée au CA. En voici quelques exemples :

- la forme de libération pourra être imposée – à défaut, la forme de libération sera libre (art. 653u al. 5 PCO renvoie aux dispositions ordinaires de l’augmentation et de la réduction du capital-actions);

-  les augmentations du capital-actions ne pourront être réalisées au profit de salariés que dans le cadre de programmes de participation ;

-  le CA ne pourra être autorisé à réduire le capital-actions que s'il aura été préalablement augmenté d’un certain montant ou jusqu'à un certain montant ;

- la marge de capital pourra être divisée en différentes tranches, si nécessaire à des fins différentes ou encore avec une certaine répartition entre augmentation « ordinaire » et octroi de droits de conversion ou d’option (les Instruments) exercés grâce à du capital conditionnel ;

- le CA sera limité à un certain nombre de modifications du capital-actions ; ou encore

- des montants minimaux ou maximaux par augmentation ou réduction seront imposés.

VI. CLAUSE STATUTAIRE

La marge de capital nécessitera l’instauration d’une clause statutaire (653s al. 1 PCO) et l’art. 653t al. 1 PCO liste les éléments qui devront y figurer. Nous n’énumérerons pas ici ces éléments mais rappelons que la clause statutaire pourra autoriser le CA à émettre des bons de participation, des actions préférentielles ou même des actions avec droit de vote accru (art. 653t al. 1 ch. 4 PCO).

Il nous semble important en revanche d’attirer l’attention du lecteur sur l’art. 653v al. 1 PCO et ses conséquences pratiques.

A rigueur de texte, l’art. 653v al. 1 PCO stipule lapidairement que la disposition statutaire de la marge de capital deviendra caduque si l’AG augmente ou réduit le capital-actions ou modifie la monnaie dans laquelle le capital-actions est fixé.

Cette disposition soulève deux problématiques ou constatations. La première réside dans la majorité applicable à l’introduction versus le retrait de cette clause statutaire et la seconde, analysée plus en détails ci-dessous, pose la question du statut des Instruments octroyés par le CA avant la caducité de la marge de capital conformément à l’art. 653v al. 1 PCO.

La clause statutaire de marge de capital pourra être introduite dans les statuts à tout moment, soit au moment de la constitution (décision unanime des fondateurs), soit ultérieurement par une décision de l'AG (dans ce cas, l’art. 704 al. 1 ch.5 PCO requiert une majorité qualifiée soit les deux tiers des voix attribuées et la majorité des voix attribuées aux actions représentées).

A la même majorité qualifiée, l’AG pourra supprimer la clause statutaire relative à la marge de capital, ce qui correspond d’ailleurs à la situation actuelle pour la clause statutaire du capital autorisé. A noter qu’en raison du fait que l’AG a la possibilité de radier la clause du capital autorisé, certains investisseurs privilégient l’octroi d’Instruments dont l’exercice se fait automatiquement avec du capital conditionnel. Cela leur apporte une sécurité juridique accrue puisque que l’AG ne peut pas supprimer le capital conditionnel sans le concours du CA (art. 53 ORC et art. 653i PCO) et « contrecarrer » les engagements convenus entre le CA et des investisseurs qui apporteraient des liquidités dans la société par le bais du capital autorisé via plusieurs tranches selon un certain timing – durant la période de 2 ans par exemple.

L’élément problématique est la majorité requise par l’art. 653v al. 1 PCO, soit une majorité absolue (art. 703 PCO, hors cas de l’art. 704 al. 1 ch. 3 PCO), applicable à une augmentation ou une réduction ordinaire du capital-actions et qui aura pour conséquence de rendre caduque la clause statutaire de la marge de capital. L’art. 653v al. 1 PCO instaurera une discrépance et un seuil inférieur (i.e. majorité absolue versus majorité qualifiée) lorsqu’il s’agira de supprimer (indirectement) la clause statutaire de la marge de capital, respectivement de l’instaurer. Il est regrettable que ces majorités soient différentes dans ce contexte et ne reprennent pas la même majorité (qualifiée) prévue par les dispositions en vigueur pour l’instauration/la suppression du capital autorisé. Cette différence risquera d’accentuer les réticences liées à l’utilisation du capital autorisé.

VII. DROIT DE SOUSCRIPTION PRÉFÉRENTIEL

Lors d’une augmentation du capital-actions, les actionnaires disposent d'un droit de souscription préférentiel (art. 652b al. 1 CO). De la même manière que pour une augmentation de capital ordinaire, le droit de souscription préférentiel pourra être limité ou supprimé en cas d'augmentation du capital-actions à l'intérieur de la marge de capital.

Si l'AG délègue au CA cette décision, les statuts devront définir de manière abstraite les conditions-cadres (les justes motifs) dans lesquelles le CA pourra limiter ou supprimer le droit de souscription préférentiel (art. 653t al. 1 ch. 7 PCO qui renvoie aux justes motifs stipulés à l'art. 652b al. 2 PCO) en cas d'augmentation concrète du capital-actions dans la marge de capital. Dans ce cas de figure, le droit de souscription sera effectivement retiré ou restreint dans la résolution d'augmentation du capital-actions du CA (art. 653u al. 2 PCO).

A noter que l'art. 653t al. 1 ch. 7 PCO codifie la jurisprudence antérieure sur la délégation de l'exclusion du droit de souscription préférentiel en cas d'augmentation autorisée du capital-actions. Comme l'a déjà montré la controverse concernant la délégation de la suppression du droit de souscription préférentiel en cas d'augmentation autorisée du capital-actions, une autorisation d'augmenter le capital-actions sans autorisation d'exclure le droit de préemption reste le plus souvent lettre morte.

VIII. AUGMENTATION DU CAPITAL-ACTIONS DANS LA MARGE DE CAPITAL

A titre liminaire, soulignons qu’à défaut d’instruction dans la décision d’autorisation de l’AG l’art. 653u al. 2 PCO instaurera une compétence résiduelle du CA lors de l’augmentation ou de la réduction du capital-actions. Par ailleurs, les dispositions relatives à l'augmentation ordinaire du capital-actions ou à l'augmentation à partir du capital conditionnel s'appliqueront mutatis mutandis conformément à l'art. 653u al. 5 PCO. Par conséquent, il est renvoyé aux art. 650-652h PCO (augmentation ordinaire) et 653-653i PCO (augmentation au moyen du capital conditionnel).

Dans le cadre de l’autorisation, le CA pourra en principe augmenter et réduire le capital-actions comme il l'entend. Il pourra augmenter le capital-actions de manière « ordinaire » (cela revient en réalité à procéder à une augmentation via du capital autorisé) ou à partir du capital conditionnel, ou le réduire de manière ordinaire (« réduction constitutive » - le capital-actions est réduit par le remboursement des apports aux actionnaires contre restitution des actions à annuler ou contre réduction de la valeur nominale des actions), déclarative (en cas de bilan déficitaire, le capital-actions peut être diminué par la restitution d’actions destinées à être annulées, sans contrepartie correspondante aux actionnaires concernés) ou avec le processus de réduction et d’augmentation simultanées («division du capital » ou « procédure dite de l’harmonica »).

Augmentation ordinaire

Pour l'augmentation ordinaire du capital-actions dans la marge de capital, le CA devra d'abord adopter une résolution d'augmentation conformément à l'art. 653u al. 2 PCO. Cette résolution contiendra les dispositions nécessaires à l'augmentation du capital-actions, dans la mesure où elles ne feront pas déjà l'objet de la résolution d'autorisation de l’AG. Le catalogue de l'art. 650 al. 2 PCO fait foi et la résolution devra préciser :

- le montant nominal de l'augmentation (art. 650 al. 2 ch. 1 PCO) ;

- le montant de l'émission (art. 650 al. 2 ch. 2 PCO) ;

- le début du droit au dividende (art. 650 al. 2 ch. 3 PCO) ;

- les informations sur les formes de paiement qualifiées éventuelles (art. 650 al. 2 ch. 4-6 PCO) ;

- si l'AG délègue au CA la compétence d'exclure les droits de souscription préférentiel, le CA devra décider de leur limitation ou de leur suppression spécifique et, ce faisant, en déterminer les modalités conformément à l'art. 650 al. 2 ch. 9 et 10 PCO.

Après chaque augmentation du capital-actions, le CA fera les constatations nécessaires et modifiera les statuts en conséquence conformément à l'art. 653u al. 4 PCO.

Augmentation conditionnelle

Généralités

L'AG pourra autoriser le CA à augmenter le capital-actions à l'intérieur de la marge de capital en recourant à du capital conditionnel (art. 653t al. 1 ch. 9 PCO). Dans ce cas, les statuts contiendront les informations requises par l'art. 653b PCO. Le CA pourra alors utiliser la marge de capital jusqu'à la limite supérieure en tout ou en partie pour l'émission d’Instruments au lieu de procéder à des augmentations ordinaires du capital-actions.

Notons que la formulation de l’art. 653t al. 1 ch. 9 PCO est malheureuse puisque le CA ne sera pas réellement autorisé à augmenter le capital mais plutôt à émettre des Instruments. L'augmentation de capital à proprement parler n'aura lieu que lorsque les Instruments auront été exercés par les bénéficiaires.

Nous faisons ici la même remarque que celle faite plus haut en lien avec la suppression du capital autorisé dans la marge de capital en raison d’une modification ordinaire du capital-actions avec une majorité absolue. Il est surprenant qu’il soit plus aisé avec les dispositions à venir qu’actuellement de retirer la possibilité de faire appel à du capital conditionnel.

Retrait de l’autorisation

Par ailleurs, l’autorisation donnée au CA d’octroyer des Instruments ne devrait pouvoir être retirée (directement ou indirectement) que pour le « futur ». En effet, si le CA octroie des Instruments pendant la durée de validité de la marge de capital, une décision de l’AG modifiant le capital-actions – qui plus est à la seule majorité absolue dans le cadre d’une augmentation ordinaire par exemple (art. 653v al. 1 PCO) – ne devrait pas rendre caduque toute la clause statutaire de marge de capital et, plus encore, la portion du capital conditionnel servant à assurer l’exercice des Instruments octroyés.

Ainsi, l’art. 653v al. 1 PCO devrait être compris comme la caducité de l’autorisation donnée au CA d’émettre des Instruments sourcés par du capital conditionnel et non la caducité de la marge de capital elle-même (et comprenant du capital conditionnel) dans la mesure où le CA aura déjà octroyé des Instruments. Dans ce dernier cas, le capital conditionnel dans la marge de capital devra être conservé et cela en suffisance pour permettre l’exercice des Instruments ; cela pourrait faire l’objet d’une clause spécifique de capital conditionnel dans les statuts. Nous n’envisageons pas que le législateur ait voulu que l’AG puisse de cette manière retirer à des investisseurs ou à des employés la possibilité d’exercer leurs Instruments. L’art. 653d PCO ne contient d’ailleurs pas une telle limitation.

Modifications suite à la caducité

Les trois situations dans lesquelles le CA pourra supprimer ou adapter la disposition relative au capital conditionnel (art. 653i PCO) n’incluent pas le cas de la caducité de la marge de capital. Nous recommandons de thématiser cela dans les statuts et proposons ci-dessous une suggestion rédactionnelle.

D’une manière générale, l’approche pourrait consister à prévoir explicitement que la clause de marge de capital comporte de facto un reliquat lorsque des Instruments ont été octroyés. Ce reliquat doit être conservé afin de rendre possible la conversion desdits Instruments. Par conséquent, le CA pourrait avoir la charge d’interpeller l’AG qui a décidé d’une modification du capital-actions et de « cristalliser » cette portion du capital conditionnel qui doit survivre à la caducité de la marge de capital. Ce capital conditionnel serait alors inscrit dans les statuts (i) comme du capital conditionnel à part entière ou (ii) si du capital conditionnel (hors marge) existe déjà et que la limite de l’art. 653a CO est atteinte alors il faudrait conserver, dans une proportion équivalente, du capital conditionnel dans la marge de capital. L’intervention d’un réviseur pourrait également être souhaitée afin de donner du confort tant à l’AG qu’au CA, comme cela ressort de l’art. 53 ORC lors de la radiation anticipée de la clause statutaire relative au capital conditionnel.

Il nous semble également concevable et plus favorable encore à une meilleure sécurité juridique d’autoriser le CA à inscrire dans les statuts l’existence d’un capital conditionnel issu de la marge et cela dès l’octroi d’Instruments. Cet article ne serait pas rendu caduque par l’avènement d’une circonstance de l’art. 653v al.1 PCO.

Mentionnons également que s’il est toutefois opté pour une interprétation littérale de l’art. 653t al. 1 ch. 9 PCO, nous pourrions nous interroger sur la possibilité du CA de créer du capital conditionnel dans le cadre de la marge de capital et ainsi de « cristalliser » son choix en amont et d’épuiser, partiellement du moins, sa compétence déléguée avant même d’octroyer des Instruments. Bien que cette approche ne lèserait aucune partie tant qu’aucun Instrument n’est octroyé et, dans le cas contraire, avec la mise en place d’une clause statutaire spécifique protégeant les bénéficiaires d’Instruments en cas de caducité, nous trouvons toutefois que cette possibilité du CA de « cristalliser » son choix en amont s’intègre mal dans l’esprit du capital conditionnel. En effet, le CA dispose d’un capital conditionnel, décidée par l’AG, afin d’octroyer des Instruments et nous ne pensons pas que le but ait été de lui donner la possibilité de faire autre chose.

Formalisation statutaire

Nous recommandons d’analyser les circonstances de la caducité de la marge de capital en parallèle avec la manière d’aborder le capital conditionnel basé sur la marge de capital et sa formalisation statutaire.

A cet égard, une proposition illustrative de clause statutaire pour l’introduction de la marge de capital a été proposé récemment par des auteurs de doctrine (Dieter Gericke, Daniel Madani, La marge de fluctuation du capital, RSJ 117/20221 p.739).

Cette clause statutaire, qui est reproduite en annexe, contient une première partie (art. 3a) sur la marge de capital, une deuxième partie (art. 3b) sur le capital conditionnel basé sur la marge de capital et une dernière partie (art. 3c) sur les droits préférentiels.

Nous suggérons ci-dessous (i) des compléments rédactionnels à l’art. 3b (capital conditionnel basé sur la marge de fluctuation du capital) et (ii) une proposition alternative à ce même art. 3b, et cela pour les raisons exposées ci-après.

A titre préliminaire, nous distinguons trois manières d’aborder le capital conditionnel basé sur la marge de capital.

La première revient à dire que simultanément à l’octroi d’Instruments par le CA, ce dernier doit refléter sa décision d’octroi dans les statuts en inscrivant le nombre d’actions qui pourront être émises suite à l’exercice des Instruments. Le CA devrait ainsi insérer la clause statutaire à chaque fois qu’il émet des Instruments en y faisant figurer en particulier le montant maximum du capital-actions qui peut être augmenté par l’émission de nouvelles actions suite à l’exercice des Instruments. Cette approche s’inscrirait dans le texte légal, car la décision du CA porterait bien sur l’émission d’Instruments mais ferait l’objet d’une publicité dans les statuts comme dans le capital conditionnel actuel. L’inscription dans les statuts serait une conséquence de la décision d’émission des Instruments et non une condition. Cette solution a de plus le mérite d’apporter un certain confort aux bénéficiaires des Instruments qui peuvent constater dans les statuts un capital conditionnel (issu de la marge de capital) distinct. Toutefois, cette approche n’est pas très pratique puisque les modifications statutaires devraient suivre chaque octroi d’Instruments et pourraient être très fréquentes en présence par exemple d’un plan de participation d’employés (ESOP).

La deuxième approche, que nous comprenons être celle de Gericke/Madani, consiste à ce que le CA précise dans les statuts la part de la marge de capital qu’il souhaite « réserver » à des actions pouvant être émises sur la base d’Instruments (cf. art. 3b al. 2). Préalablement à cela, l’AG doit avoir autorisé un capital conditionnel dans la marge de capital. Les Instruments pourraient ainsi être octroyés suite à cette décision du CA reflétée dans les statuts. Cette approche nous paraît envisageable et répondrait vraisemblablement à une demande de transparence de l’AG qui souhaiterait connaître plus précisément les intentions du CA. Nous estimons toutefois qu’une telle décision du CA n’est pas obligatoire. En effet, si l’AG ne permettait d’utiliser qu’une partie de la marge de capital pour du capital conditionnel, alors, en suivant cette approche, le CA devrait également préciser dans cette partie la proportion qu’il compte réserver à des actions pouvant être émises sur la base d’Instruments, ce qui ne ferait que peu de sens. En effet, l’AG aurait autorisé un capital conditionnel de X et le CA devrait encore « ancrer » dans les statuts un capital conditionnel de Y ou de X. A notre sens, l’accord de l’AG permettant au CA d’utiliser s’il le souhaite toute la marge de capital pour du capital conditionnel est en soi une limitation d’utilisation, comme le serait la limitation à une partie de la marge de capital. Cette approche qui permet au CA de préciser en amont la part réservée à une augmentation conditionnelle résulterait à notre sens d’une interprétation plutôt littérale de l’art. 653t al. 1 ch. 9 PCO. Toutefois, le principe d’une flexibilité accrue de la marge de capital serait réduite d’une certaine manière avec cette approche. Cela étant dit, cette réserve d’une part de la marge de capital pour du capital conditionnel ne lèse aucune partie puisqu’en l’absence d’Instruments octroyés la part réservée n’a pas un ancrage durable vu qu’elle est rendue caduque en cas de modifications ordinaire du capital-actions (art 653v al. 1 PCO).

Si toutefois l’on conserve l’approche proposée par Gericke/Madani, nous recommandons d’ajouter à la clause statutaire proposée (i) un article spécifique qui précise le montant du capital-actions à augmenter et les actions à émettre en contrepartie de l’exercice des Instruments octroyés, ceci permettrait de distinguer le capital conditionnel qui survivra à une caducité de la clause sur la marge de capital et (ii) également dans le cas de sa caducité le CA devrait alors adapter la part de la marge de capital qu’il a réservé à des actions pouvant être émises sur la base d’Instruments afin de laisser uniquement le montant nécessaire à l’exercice des Instruments déjà émis (pré-caducité), le solde devenant caduque.

 

 

Au vu de ce qui précède, voici les compléments proposés (en gras) :

À l’art. 3b al. 2 : « Le conseil d’administration doit préciser dans les Statuts (l’Article Spécifique) quelle part (en valeur nominale) de la marge de fluctuation du capital est réservée à des actions pouvant être émises sur la base des Droits ou obligations d’acquisition. Le capital-actions de la Société sera augmenté par l’exercice des Droits ou obligations d’acquisition et la libération des apports. Le droit de souscription préférentiel est supprimé dans ces cas. Les conditions d’exercice des Droits ou obligations d’acquisition sont déterminées par le conseil d’administration.

A l’art. 3b al. 4 : « L’émission de Droits ou obligations d’acquisition sur la base de cet art. 3b des Statuts n’est admissible qu’aussi longtemps que l’art. 3a des Statuts est en force. La caducité de la marge de fluctuation du capital n’affecte en revanche pas la validité des Droits ou obligations d’acquisition déjà émis sur la base du présent article 3b. Si les Droits ou obligations d’acquisition ont été émis, la caducité de la marge de fluctuation du capital ne rend pas cet article 3b caduque et cet article ne peut qu’être supprimé dans le respect de la procédure de l’art. 653i PCO. En outre, l’Article Spécifique par lequel le conseil d’administration a réservé une part de la marge au capital conditionnel doit être adapté et réduit dans la mesure des Droits ou obligations d’acquisition non octroyés au moment de la caducité de la marge de fluctuation de capital.

La troisième approche est celle que nous recommandons. Elle part du principe mentionné plus haut selon lequel l’accord de l’AG donné au CA via la clause de marge de capital est en soi une limitation d’utilisation. Ainsi, dans cette limite, le CA peut opérer à sa guise. Il n’a pas besoin de réserver à nouveau du capital conditionnel en amont ni même de prévoir un article spécifique suite à l’octroi d’Instruments. En cas de caducité de la marge de capital, la portion de la marge de capital nécessaire à l’exercice des Instruments doit être conservée. Afin de simplifier la lisibilité des statuts, nous suggérons que le CA instaure (lors de la caducité) un article spécifique de capital conditionnel mentionnant en particulier le montant maximum du capital-actions qui peut être augmenté par l’émission de nouvelles actions suite à l’exercice des Instruments.

L’article qui illustre cette troisième approche aurait la teneur suivante :

Art. 3b Capital conditionnel basé sur la marge de fluctuation du capital

  1. Au lieu de procéder à une augmentation ordinaire du capital-actions dans le cadre de la marge de fluctuation du capital, le conseil d’administration peut procéder à une augmentation conditionnelle du capital-actions en émettant des droits de conversion ou d’options de la Société ou des sociétés de son Groupe (Instruments) [cercle des bénéficiaires à inclure]. La durée des Instruments ne peut pas dépasser [dix] ans. Le conseil d’administration peut limiter ou supprimer le droit de souscription préférentiel des actionnaires dans le cadre de l’émission des Instruments si: [motifs de l’art. 653c al. 3 P-CO]. Les conditions d’exercice des Instruments sont déterminées par le conseil d’administration.
  2. Le capital-actions de la Société sera augmenté par l’exercice des Instruments et la libération des apports. Le droit de souscription préférentiel est supprimé dans ces cas.
  3. L’acquisition d’actions nominatives par le biais de l’exercice des Instruments et le transfert ultérieur des actions sont soumis aux restrictions à la transmissibilité des actions conformément à l’art. des Statuts.
  4. L’émission des Instruments sur la base de cet art. 3b des Statuts n’est admissible qu’aussi longtemps que l’art. 3a des Statuts est en force. La caducité de la marge de fluctuation du capital n’affecte en revanche pas la validité des Instruments déjà émis sur la base du présent article 3b. Si des Instruments ont été émis au moment de la caducité de la marge de fluctuation du capital, le conseil d’administration doit instaurer dans un article distinct des Statuts (l’Article Spécifique) le montant maximum du capital-actions conditionnel qui peut être augmenté par l’émission de nouvelles actions suite à l’exercice des Instruments déjà octroyés. Tant ce présent article que l’Article Spécifique ne peuvent qu’être supprimés dans le respect de la procédure de l’art. 653i P-CO.

Bénéficiaires d’Instruments

Les dispositions actuelles relatives au capital conditionnel feront l’objet de modifications qui accroissent sa flexibilité. La principale est le cercle des bénéficiaires d’Instruments qui est élargi aux actionnaires, aux créanciers d’obligations d’emprunt ou d’obligations semblables, aux travailleurs, aux membres du conseil d’administration de la société ou d’une autre société du groupe ou à des tiers (art. 653 PCO). Ainsi, les tiers ne devront plus être créanciers de « nouvelles obligations d’emprunt ou d’obligations semblables contre la société » pour se voir accorder des Instruments (art 653 CO).

Obligation de transparence

Enfin, nous sommes d’avis que l’obligation de transparence (art. 634a, al. 3 PCO) ne s’appliquera pas aux augmentations conditionnelles du capital-actions réalisées par compensation de créances. Pour rappel, l’obligation de transparence consistera à divulguer dans les statuts le montant de la créance à compenser, le nom de l’actionnaire et les actions qui lui reviennent. Cette obligation de transparence s’aligne sur celle applicable aux libérations en nature. Notre avis se fonde sur le fait que les articles 653b PCO et 653g PCO ne mentionnent pas explicitement une telle obligation de transparence et que la compensation de créance dans le contexte d’Instruments octroyés en contrepartie de liquidités fournies (les créances) et de l’instauration d’un capital conditionnel est le mécanisme inhérent de ce système. Ce mécanisme est d’ailleurs accepté au préalable par les actionnaires qui ont adopté une disposition statutaire y relative.

Ce résultat, soit l’absence de transparence, devrait également s’appliquer au capital conditionnel dans la marge de capital puisque les dispositions relatives à l'augmentation à partir du capital conditionnel s'appliqueront mutatis mutandis conformément à l'art. 653u al. 5 PCO. Une clause statutaire spécifique pourrait être introduite[1].

 

Points de contact avec la marge de capital

La marge de capital et le capital conditionnel auront des points de contact que nous présentons brièvement ici. Ces interactions ressortent essentiellement des art. 653v al. 2 et 653g al. 2 PCO.

Ces articles distinguent deux configurations : la première lorsque l’AG décide de créer un capital conditionnel (art. 653v al. 2 1ère phrase – « Capital Conditionnel hors Marge ») et la seconde lorsque l’AG délègue cette capacité au CA (art. 653v al. 2 2ème phrase – « Capital Conditionnel dans la Marge »).

Dans le premier cas de figure, le capital conditionnel et la marge de capital coexisteront. L’introduction postérieure du capital conditionnel par l’AG aura pour effet de relever d’autant la limite supérieure et la limite inférieure préexistantes de la marge de capital. Le CA sera responsable d’adapter en conséquence les limites de la marge de capital (art. 653g al. 2 PCO). Cette règle ancre davantage encore le principe du montant nominal de la marge de capital qui n’évolue pas en fonction du capital inscrit. Cela cadre, respectivement limite le pouvoir délégué au CA.

Le second cas de figure est celui dans lequel le CA – en octroyant des Instruments – fera usage de sa délégation et réduira par conséquent le montant de la marge de capital dont il disposera, indépendamment du fait que ce capital conditionnel conduise effectivement à une augmentation du capital-actions. Le « Capital Conditionnel dans la Marge » ne peut être ajouté à la marge de capital puisque cette dernière est limitée vers le haut (i.e. 1.5x).

Malgré une formulation de l’art. 653v al. 2 PCO qui semble exclure la possibilité de cumuler du Capital Conditionnel hors Marge et du Capital Conditionnel dans la Marge, nous sommes d’avis que ces deux possibilités devraient pouvoir coexister.

 

[1] « Les obligations de l’art. 634a al. 3 [P]CO ne s’appliquent pas aux augmentations conditionnelles du capital-actions réalisées par compensation de créances, qu’elles soient réalisées dans le cadre de la marge de capital ou par le biais du capital conditionnel existant en parallèle de la marge de fluctuation de capital. »

IX. RÉDUCTION DU CAPITAL-ACTIONS DANS LA MARGE DE CAPITAL

Généralités

En cas de réduction du capital-actions à l'intérieur de la marge de capital, les dispositions relatives à la réduction du capital-actions (art. 653j à 653r PCO) s'appliquent mutatis mutandis conformément à l'art. 653u al. 5 PCO.

Dans le cadre de la marge de capital, une réduction une réduction du capital-actions pourra être décidée par le CA sans l'intervention de l'AG.

Pour rappel, le PCO – respectivement le CO – distingue trois modes de réduction du capital-actions : (i) la réduction ordinaire (art. 653j – 653o PCO), (ii) la réduction du capital-actions en cas de bilan déficitaire (art. 653p PCO) et (iii) la réduction et l’augmentation simultanées du capital (art. 653q – 653r PCO). Ce document n’a pas pour vocation de décrire exhaustivement tout le processus de réduction du capital-actions. Nous nous limiterons à certaines constatations et généralités.

En cas de réduction du capital-actions dans la marge de capital, notons que la limite inférieure de la marge de capital ne pourra pas descendre en-deçà du capital minimum de CHF 100'000 et que le capital-actions ne pourra pas être réduit de plus de la moitié d'une autre manière, de sorte que la mise en œuvre d'une réduction complète du capital-actions par le CA restera inadmissible (art. 653r PCO).

La loi laisse ouverte la question de savoir si les actions peuvent être simplement (i) rachetées ou (ii) acquises et réémises ultérieurement ou (iii) acquises et vendues ultérieurement dans le cadre de la marge de capital, au lieu de procéder chaque fois à une réduction ou une augmentation formelle du capital-actions.

Réduction ordinaire

Lors d’une réduction ordinaire, le CA devra donc tout d'abord informer, par le biais d’une publication dans la FOSC, les créanciers qu’ils peuvent demander des sûretés s’ils produisent leurs créances (art. 653k PCO) et, si nécessaire, établir des comptes intermédiaires (art. 653l PCO).

Ensuite, le CA adoptera une résolution de réduction du capital-actions et émettra les dispositions nécessaires, dans la mesure où elles ne seront pas déjà contenues dans la résolution de l'AG (art. 653u al. 2 PCO). En vertu de l'art. 653n PCO, il faudra établir le montant nominal de la réduction du capital (al. 1), les modalités de sa réalisation (al. 2) et l'utilisation du montant de la réduction (al. 3). L’art. 653n ch. 2 PCO renvoie à l'art. 653j al. 2 PCO, selon lequel la réduction du capital-actions pourra être effectuée par réduction de la valeur nominale ou par annulation d'actions. Ces précisions s'ajoutent aux stipulations que devra contenir la disposition statutaire relative à la réduction du capital-actions en vertu de l'art. 653t al. 1 PCO.

Enfin, en vertu de l'art. 653u al. 4 PCO, le CA devra procéder aux déterminations nécessaires après chaque réduction de capital-actions et modifier les statuts en conséquence. Dans cette résolution, le CA constatera que les exigences de la loi et des statuts ont été remplies au moment considéré et que les pièces justificatives nécessaires lui ont été présentées (art. 653o al. 1 PCO). L'inscription au registre du commerce clôturera la procédure de réduction du capital-actions (art. 653j al. 4 PCO).

Réduction avec annulation d'actions

Pour réaliser une réduction du capital-actions avec annulation d'actions, la société doit racheter un nombre correspondant d'actions à ses actionnaires. En ce sens, la marge de capital contiendra également une autorisation donnée au CA de racheter des actions dont la valeur nominale totale correspond au montant maximal de la réduction prévu par la marge de capital. Dans ce contexte, la limite de rachat d'actions propres de 10 % ou 20 % prévue à l'art. 659 PCO ne devrait pas être applicable.

Une autorisation de réduction du capital-actions – selon le principe de qui peut le plus peut le moins – comprendra également l'autorisation de racheter des actions pour les revendre ou les annuler plus tard. Toutefois, selon certains auteurs, la revente ou l'annulation (par réduction) d'actions excédant 10 % devra avoir lieu dans un délai de deux ans, même si l'autorisation s'étend sur une période plus longue.

Une limite à ces rachats est toutefois la restriction de l'art. 659 al. 1 PCO, selon laquelle le rachat d'actions ne sera possible qu'à partir de fonds propres librement disponibles. Alors que seul le capital-actions est réduit dans le cas d'une réduction de la valeur nominale des actions, un rachat d'actions a un impact plus important sur les fonds propres : si le prix payé par la société est supérieur à la valeur nominale des actions, le rachat entraîne également une imputation aux réserves librement disponibles du montant de la différence entre le prix de rachat et la valeur nominale de l'action. Par conséquent, le rachat représente une distribution de réserves aux actionnaires pour ce montant. Cette partie du prix de rachat doit également être couverte par les réserves librement disponibles dans le cadre des rachats sur la base de la marge de capital.

Acquisition d’actions propres

L'art. 659 al. 2 PCO limitera l'acquisition d'actions propres par la société à 10% du capital-actions inscrit. Cette limite sera en conflit latent avec la marge de capital dans la mesure où cette dernière permettra de réduire le capital de plus de 10% au moment du rachat. Jusqu'à la décision de réduction du capital-actions en vertu de l'art. 653u al. 2 PCO, ce conflit devra être résolu en faveur de la limite de 10% pour l'acquisition d'actions propres, et ensuite en faveur de la marge de capital. Si le CA fait formellement usage de l'autorisation, la limite inférieure de la marge de capital doit déterminer la portée maximale possible d'un rachat d'actions. Enfin, une acquisition d'actions propres dans le cadre de la marge de capital devra être autorisée même sans disposition expresse.

X. CONSIDÉRATION FISCALE

L’art. 9 al. 3 LT révisée prévoit que « les fonds reçus par la société dans le cadre d’une marge de fluctuation du capital au sens des art. 653ss du Code des obligations ne sont soumis au droit d’émission que dans la mesure où ils sont supérieurs aux restitutions effectuées dans le cadre de la marge de fluctuation du capital ». Il a été opté pour une approche « nette » de la taxe d'émission (droit de timbre d’émission). Ainsi, la société ne devrait pas avoir à payer une taxe d'émission pour chaque augmentation individuelle du capital-actions et il y aurait une exonération de la taxe d’émission pour les augmentations du capital-actions qui ont été éliminées pendant la durée de la marge de capital par une réduction du capital-actions compensatoire.

L’assiette de la contrepartie fiscale sera le montant dont le capital-actions a été augmenté ("net") à la fin de la marge de capital. Cette approche considère la marge de capital comme une unité et si des taxes d'émission étaient prélevées sur une augmentation du capital qui serait annulée par la suite, cela nuirait à l'attractivité de la marge de capital.

XI. CONCLUSION

La marge de capital – qui entrera vraisemblablement en vigueur en 2022 – accorde au CA une flexibilité supplémentaire intéressante qui devra toutefois faire l’objet d’une rédaction statutaire précise ; tant pour satisfaire les actionnaires et les créanciers que pour cadrer ou diriger selon les besoins la marge de manœuvre du CA.

Jacquemoud Stanislas est à votre disposition pour répondre à vos demandes et suggérer des alternatives rédactionnelles de la clause statutaire de marge de capital.

Annexe :  Proposition illustrative de clause statutaire pour   l’introduction de la marge de capital (Dieter Gericke, Daniel Madani, La marge de fluctuation du capital, RSJ 117/20221 p.739).

Cette proposition est reproduite tel quel sans les notes de bas de page qu’elle contient dans le texte original.

Art. 3a Marge de fluctuation du capital

1 La Société dispose d’une marge de fluctuation du capital dont la limite inférieure est fixée à CHF [minimum 0.5x le capital actuel inscrit au registre du commerce] et la limite supérieure à CHF maximum 1.5x le capital actuel inscrit au registre du commerce]. La limite inférieure et la limite supérieure seront augmentées du montant d’une augmentation du capital-actions intervenue hors de la marge de fluctuation du capital sur la base du capital conditionnel prévu à l’art. des Statuts/d’un capital conditionnel qui viendrait à être prévu dans les Statuts. Dans ce cas, le conseil d’administration adapte la limite supérieure et la limite inférieure dans les Statuts.

2 La marge de fluctuation du capital reste en vigueur jusqu’au [maximum 5 ans après la décision de l’assemblée générale], à moins qu’elle ne devienne caduque de façon anticipée en raison de la réalisation d’une augmentation ordinaire du capital-actions ou d’une réduction du capital-actions décidée par l’assemblée générale. La caducité de la marge de fluctuation du capital n’affecte pas la validité des actions ou des bons de participation déjà émis sur la base de la marge de fluctuation du capital.

3 En cas d’augmentation du capital-actions dans le cadre de la marge de fluctuation du capital, les conditions cadre suivantes s’appliquent :

  1. a) [Restrictions, charges et conditions attachées à l’autorisation]
  2. b) [Indications sur les actions]
  3. c) [Avantages particuliers]
  4. d) [Restrictions à la transmissibilité des nouvelles actions]
  5. e) [Autorisation de constituer un capital participation]

4 [Le conseil d’administration peut émettre des actions privilégiées donnant droit à [détails sur le privilège] au maximum.]

5 Le conseil d’administration peut restreindre ou supprimer le droit de souscription préférentiel des détenteurs d’actions ou de bons de participation dans les cas suivants :

  1. a) [Participation des employés]
  2. b) Émission d’actions ou de bons de participation en vue :

[De l’acquisition d’une société]

[De l’acquisition de droits de propriété intellectuelle ou d’autres actifs]

[Du placement d’actions cotées au prix du marché]

[De l’élargissement du cercle des actionnaires et investisseurs de la société]

[De la participation de partenaires stratégiques]

[Du placement d’actions à des fins de financement]

[De défendre la société contre une offre publique d’acquisition hostile]

[etc.]

6 Le conseil d’administration peut utiliser les droits de souscription préférentiels non exercés dans l’intérêt de la Société.

7 L’exercice de droits de souscription préférentiels acquis conventionnellement est soumis aux restrictions à la transmissibilité conformément à l’art. des Statuts.

8 Le conseil d’administration peut réduire le capital-actions dans le cadre de la marge de fluctuation du capital par :

  1. a) la réduction de la valeur nominale des actions ou des bons de participation pour supprimer un excédent de passif ou pour distribuer le montant de la réduction ; ou
  2. b) l’acquisition et la cancellation ultérieure d’actions ou de bons de participation.

9 Dans le cadre de la présente marge de fluctuation du capital, le conseil d’administration peut également racheter des actions de la Société correspondant à plus de 10% du capital-actions, à condition que les actions dépassant cette limite soient revendues dans les deux ans ou cancellées dans le cadre d’une réduction de capital.

Art. 3b Capital conditionnel basé sur la marge de fluctuation du capital

1 Au lieu de procéder à une augmentation ordinaire du capital-actions dans le cadre de la marge de fluctuation du capital, le conseil d’administration peut procéder à une augmentation conditionnelle du capital-actions en émettant des droits ou obligations d’acquérir des actions ou des bons de participation (soit des options, des droits ou obligations convertibles, ou tous autres droits ou obligations d’acquisition) de la Société ou des sociétés de son Groupe (Droits ou obligations d’acquisition). La durée des Droits ou obligations d’acquisition ne peut pas dépasser [dix] ans. Le conseil d’administration peut limiter ou supprimer le droit de souscription préférentiel des actionnaires dans le cadre de l’émission des Droits ou obligations d’acquisition si: [motifs de l’art. 653c al. 3 PCO].

2 Le conseil d’administration doit préciser dans les Statuts quelle part (en valeur nominale) de la marge de fluctuation du capital est réservée à des actions pouvant être émises sur la base des Droits ou obligations d’acquisition. Le capital-actions de la Société sera augmenté par l’exercice des Droits ou obligations d’acquisition et la libération des apports. Le droit de souscription préférentiel est supprimé dans ces cas. Les conditions d’exercice des Droits ou obligations d’acquisition sont déterminées par le conseil d’administration.

3 L’acquisition d’actions nominatives par le biais de l’exercice des Droits ou obligations d’acquisition et le transfert ultérieur des actions sont soumis aux restrictions à la transmissibilité des actions conformément à l’art. des Statuts.

4 L’émission de Droits ou obligations d’acquisition sur la base de cet art. 3b des Statuts n’est admissible qu’aussi longtemps que l’art. 3a des Statuts est en force. La caducité de la marge de fluctuation du capital n’affecte en revanche pas la validité des Droits ou obligations d’acquisition déjà émis sur la base du présent article 3b. Si les Droits ou obligations d’acquisition ont été émis, la caducité de la marge de fluctuation du capital ne rend pas cet article 3b caduque et cet article ne peut qu’être supprimé dans le respect de la procédure de l’art. 653i PCO.

Art. 3c Droits préférentiels

1 [Droits préférentiels]

2 La caducité de la marge de fluctuation du capital n’affecte pas la validité des droits préférentiels en lien avec des actions préférentielles émises sur la base de la marge de fluctuation du capital. Si des actions préférentielles ont été émises, la caducité de la marge de fluctuation du capital n’entraîne pas la caducité de cet article.

 

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